Jason Maulette | La culture de l'inclusion

Jason Maulette, Head of HR de Panagora, a répondu aux questions de la Gazette dans son édition de Juin. Rencontre ! 

 

Panagora a combien d’employés sur l’île ? 

Panagora emploie actuellement plus de 600 personnes à plein temps. 

En quoi consiste l’important travail réalisé par Panagora, en collaboration avec la GRF ? 

Avec l’aide de la Global Rainbow Foundation, nous avons établi une « Disability Matrix » pour l’ensemble des métiers de Panagora. C’est un travail de fond qui consiste à analyser tous les postes disponibles dans une entreprise pour valider lesquels conviennent aux personnes en situation de handicap et selon le type de handicap exact. Cela permet de travailler un plan d’intégration fiable, qui assure que les employés pourront s’épanouir et donner le meilleur d’eux-mêmes.  

À quels postes, au sein de Panagora, peuvent évoluer à leur aise et dans leurs pleines compétences les personnes en situation de handicap ? 

Je vais prendre un cas précis d’intégration : les opérations de warehousing. Ce sont des métiers physiques qui nécessitent de la force, de la rigueur dans le suivi des procédures mais aussi une vraie capacité à communiquer et se faire comprendre rapidement en pleine action. 

Pour permettre à des employés malentendantes de travailler dans cet environnement sécurisé, il faut d’abord repenser toute notre communication pour qu’elle soit visuelle au lieu d’oral. Par exemple nous avons installé des signaux lumineux sur les portes et certains outils de travail lorsqu’ils sont en opération. 

Justement, il y a un travail humain pour préparer l’équipe accueillante au mieux. Sans stigmatiser le futur employé, il est important de faire comprendre les aménagements à prévoir. Il faut aussi encourager la socialisation lors des repas. 

La même approche prévaut les employés en situation de handicap dans la section de production de viande par exemple. C’est une culture de l’inclusion que l’on développe au fond. 

Quels sont les défis que vous rencontrez, pour ce faire, auprès de ces salariés intégrés ET auprès de vos équipes en place ? 

Avec réflexion, je dirai que ce n’est pas le handicap qui vient créer le challenge, c’est l’idée qu’on s’en fait. 

Au moment de la réflexion, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup d’idées reçues sur les limites qu’impose tel ou tel handicap. A l’étape du recrutement, on constate que la famille peut « bloquer » la personne en voulant la protéger. Pourtant quand les employés sont là, on voit que ces craintes ou ces biais n’ont rien à voir avec le vécu des personnes handicapés.  

 J’ai donc envie de souligner la chance que nous avons d’avoir une équipe soudée. Qu’il s’agisse de mes collègues du RH, des responsables de département, des femmes et des hommes sur le terrain… c’est leur motivation, leur adhésion qui permet d’aplanir les obstacles réels ou imaginés à plus d’inclusion au travail. 

Comment – concrètement – le personnel de Panagora a-t-il été formé à la Fresque du Climat ? 

Tout commence en Mars 2023. A cette époque, nous avons eu l’opportunité via le Groupe Eclosia de choisir quelques employés pour apprendre à devenir Animateur/animatrice de la Fresque du Climat. 

Très vite, j’ai identifié Meliza Munbodh, notre responsable Arts, Culture et Sports pour se former. Meliza est une personne dynamique avec la volonté d’apprendre et de transmettre. Pour un sujet aussi important, je ne voulais pas d’un expert scientifique mais d’une Panagorienne qui saurait partager avec passion ce qu’elle aurait appris par la suite. 

C’était le bon choix ! Meliza et notre autre collègue Neeraj, Quality Manager passionné de l’environnement, ont tenus plus de quarante ateliers pendant un an et ainsi formés 623 employés. Meliza et Neeraj ont fait un formidable travail, avec le soutien des responsables d’équipes qui ont dégagé plusieurs heures chaque semaine pour sensibiliser les employés. 

Selon vous et avec vos mots, qu'est-ce qui se cache derrière les notions de Diversité, Équité, Inclusion, formant aujourd’hui la pierre angulaire de la gestion RH en entreprise ? 

Donner la même chance à chaque individu. 

C’est la différence qui fonde la richesse de l’expérience humaine. Malheureusement, nous devons reconnaitre que la culture des milieux professionnels n’a pas toujours réussie à reconnaitre et valoriser les avantages que procure une équipe de profils diversifiés. 

Un de mes rôles en tant que RH, c’est de faire vivre cette richesse dans l’entreprise avec la DEI. De par mon vécu personnel, je crois fortement en cette règle d’équité : on reconnait la particularité et on offre les mêmes opportunités. C’est ce qui permet aux individus d’avancer comme ils le veulent. 

On regarde l’autre comme un humain à part entière et non par ses limites ! A nous de donner la chance à ces personnes de faire leurs places dans l’entreprise et dans la société ! Nous sommes tous appeler à faire une différence dans la vie des autres. 

Votre plus belle réussite en ce sens ? 

Au risque de répéter ce que j’ai dit plus tôt : c’est de voir des collègues accueillir une personne portant un handicap, comme si celle-ci n’en avait aucun. 

Je crois fermement que l’inclusion, ce n’est pas un pourcentage sur un papier : c’est un regard que l’on vient changer. 

C’est terriblement injuste de réduire une personne à son handicap. Le handicap forge, c’est une réalité de la vie, mais ce n’est pas toute ma vie. Pour moi la vraie réussite est là : nos collègues reconnaissent la situation de chacun mais ne laissent pas ce seul élément définir toute une personne. 

Quelle est votre plus grande difficulté au quotidien, dans votre métier ? 

Je dirai le difficile équilibre entre la discipline que je dois imposer et la compréhension de l’autre. On choisit les ressources humaines par amour de son prochain. J’aime apprendre des autres et je suis sensible aux circonstances, aux forces et aux faiblesses de chacun. 

Pour autant, si on peut toujours comprendre, cela n’empêche pas de devoir prendre des décisions dures par moment, pour souci de justice et d’équité envers le collectif. Sous le coup de l’émotion, cela peut être mal vécu par le collègue concerné. 

C’est la réalité de toute personne qui choisit de travailler dans les ressources humaines. Cela demande un discernement et une capacité de dialogue que je m’efforce d’apprendre au quotidien. 

  

Entretien réalisé par Delphine Raimond