Koz Koze avec Maya et Yovan | MANZE LONTAN

De quoi parle le rapport 'Manze Lontan'? 

Maya: Ce rapport historique permet de comprendre aujourd’hui nos problématiques liées à la sécurité et l’autonomie alimentaire. En questionnant comment et de quoi nos ancêtres se nourrissaient, on réalise que Maurice a toujours dépendu des importations, des produits alimentaires venant de l’extérieur et de l'acclimatation d'espèces exotiques de la faune et la flore pour subvenir à ses besoins.    

Yovan: Ça parle de ce qu’il y avait dans l’assiette mauricienne, avant le diri kari poul d’aujourd’hui 😊. 

 

D'où est venu l'idée de rédiger un rapport sur ce que mangeait nos ancêtres?  

Maya: Je laisse Yovan répondre à cette question... Mais je pense que simplement en tant qu’île, notre insularité, notre isolement du monde qui a été rendu perceptible pendant la pandémie de Covid 19, nous amène naturellement à nous questionner sur cet aspect vital d’une société et de l’humanité : l’autonomie alimentaire.   

Yovan: Alors oui il y a 2 origines en fait à cette idée. La plus récente, comme dit Maya, c’est un questionnement qui émerge dans le sillage de la pandémie : on mange quoi quand le commerce international ne fonctionne pas? J’ai lu, comme beaucoup, les appels à revenir aux pratiques du passé et les commentaires dans la presse et en ligne sur lepok lontan. Mais concrètement, je ne trouvais rien… aucune donnée, aucune stat, rien qui remonte plus loin que la Seconde Guerre Mondiale. Ça a ravivé chez moi une vieille interrogation: on mangeait quoi avant ? L’idée de recherche sur ce sujet me trotte dans la tête depuis une conférence de Vijaya Teelok sur l’esclavage où cette même question est restée sans réelle réponse. Bref… on ne peut pas se contenter pour moi de célébrer un passé rêvé, il faut comprendre notre héritage réel. Et ça, ça commence bien avant 1968. 

 

 

Justement, à qui ce rapport s'addresse-t-il et quelles sont les retombées attendues à la suite de sa publication?  

Maya: Cette recherche a permis de compiler des données historiques dans les sources écrites, le next step serait de continuer en collectant l’histoire orale, donc de couvrir une période contemporaine, depuis la seconde guerre, avec des témoignages de Mauriciens qui pourraient partager leurs souvenirs, connaissances et expériences.   

Yovan: Ce rapport a 2 publics à mon sens. D’abord, il est important pour tous les professionnels de l’alimentaire à Maurice. Il est source de réflexion et permet de prendre du recul sur le quotidien à l’heure où les systèmes alimentaires mauriciens et mondiaux doivent se repenser. 

Ensuite, il est important pour nos enfants, et partant de là nos éducateurs. Moi le premier, je suis d’une génération qui n’a connu que nos modes de consommation modernes. Je peux écouter les histoires de mes parents… mais que raconterai-je du Maurice d’avant à la génération qui vient ? J’espère que Manze Lontan motivera non seulement d’autres chercheurs mais aussi des chefs et des producteurs à interroger, cuisiner et comprendre notre patrimoine culinaire. Notre culture mauricienne se construit aussi par cette transmission… kiltir dan karay ! 

 

Quels sont les autres projets sur lesquels vous travaillez actuellement ? (En collab ou individuel)

Maya: Nous travaillons avec Panagora sur un projet lié aux petites boutiques de Maurice. Ces boutiques sont des institutions qui font partie de notre société, et même de notre patrimoine pour certaines, mais elles sont de plus en plus écrasées par un marché de consommation de masse, des hypers et supermarchés, des modes de vie où on a plus le temps d’aller discuter avec son boutiquier en achetant sa ration. On est toujours pressé, et les relations humaines et sociales passent au second plan. Donc on s'est questionné sur l'avenir de ces petits commerces de quartiers, et on a voulu comprendre comment certains réussissent à survivre et à évoluer dans ce contexte.    

 

Quel regard portez-vous justement sur l'alimentation des Mauriciens aujourd’hui ?  

Yovan: Ce que je dis n’engage que moi… Maurice, malgré ses 3 siècles d’histoire, est un pays à l’identité encore jeune. Le mauricianisme se construit encore, comme ailleurs on redéfinit encore ce que signifie être français ou américain.  

Dans ce contexte, je crois que la table est un des liants les plus solides et nécessaires pour l’avenir de notre île. A quoi reconnait-on un Mauricien à l’étranger ? Li koz kreol ek linn amenn 10 pake minn apolo dan so valiz !  

Nous avons donc le devoir de comprendre, d’interroger, d’explorer ce qu’il y a eu, et ce qu’il y aura dans notre assiette – pour ce que cette dialectique raconte de nous-mêmes. 

 

Bientôt un rapport sur l'alimentation à Rodrigues, Agalega ?  

Maya: J’adorerais !!! Ce serait passionnant, on a beaucoup à apprendre de nos frères et sœurs Rodriguais, Agaléens et Chagossiens.  

Yovan: C’est drôle, je pensais plus à explorer l’évolution de notre assiette à l’avenir… mais pourquoi pas! 😊 

 

Le mot de la fin?  

Maya: Ce rapport n'est qu’un début. Nous devons encore apprendre du passé. Nos ancêtres avaient des modes de vie et des connaissances bien différentes des nôtres et nous avons beaucoup à apprendre d’eux tout en les remettant à notre sauce actuelle.   Je souhaite que nous trouvions un équilibre entre une société de consommation à outrance et un retour à la terre, aux produits du terroir et aux produits sains et Healthy, mais qui seraient accessibles à tous et à toutes.  

Yovan: Exactement ! Manze Lontan est une bouteille à la mer : il faut voir qui répond à l’appel et où cette barque voguera ensuite! 

 

Votre plat mauricien préféré (Si vous en avez) 

Maya:  Personnellement je suis une fanatique des faratas...   

Yovan: Boulet! Pena bol 10 dan lezot pei ! 

 

Merci à Maya et Yovan pour cet échange. 

L’avenir est dans l’assiette...des Mauriciens. A bon entendeur !